EVG, EVJF… DERRIèRE LA FêTE ENTRE AMIS, LES PRISES DE TêTE AUTOUR DE L’ARGENT

MARIAGE - Les enterrements de vie de jeune fille ou de garçon sont devenus la norme : en 2023, près de sept couples sur dix vont enterrer leur célibat avant de se marier. L’occasion pour les fiancés de profiter d’un moment privilégié avec leurs amis proches avant celui plus solennel de la cérémonie.

Pour les heureux invités, cependant, les choses ne sont pas toujours aussi simples. L’autrice de ces lignes en sait quelque chose : entre l’épuisante logistique pour réunir des inconnus venus des quatre coins de la France et les messages WhatsApp jusqu’à l’overdose pour comparer des couleurs de bougies, l’idée de se retirer du monde pour vivre en autarcie est rarement aussi tentante que durant l’organisation d’un enterrement de vie de garçon ou de jeune fille. Et si les tracas laissent vite place aux moments heureux passés ensemble, ces virées entre potes-de-potes ont un coût qui peut grimper très vite et devenir une source de stress, voire un gouffre financier.

« Quitte à dépenser autant, j’aurais préféré un contexte choisi »

« C’était le premier mariage dans mon cercle de potes et j’étais hyper enthousiaste », raconte Kevin*, qui n’avait aucune appréhension à l’approche de l’enterrement de vie de garçon de son ami. Une fois qu’il a payé sa part du logement, ses billets de train et d’avion, il s’aperçoit qu’il a déjà dépensé plus de 400 € mais tente de se rassurer. « Je me disais que je n’allais pas dépenser beaucoup plus sur place. Finalement, j’ai presque de 400 € de dettes supplémentaires à rembourser sur le tricount commun. »

En tout, il aura dépensé environ 800 € pour l’EVG de son ami. « C’est plus d’un tiers de mon salaire mensuel, et je ne suis pas à plaindre financièrement ! Mais la plupart des invités gagnaient bien plus, et je pense que pour eux, ça représentait moins. » De quoi créer un sentiment ambivalent vis-à-vis de l’événement. « J’ai passé un week-end merveilleux dans un endroit cool, avec des gens cool, à faire des activités cool… Mais quitte à dépenser autant d’argent, j’aurais préféré le faire dans un contexte plus choisi, pour des vacances par exemple. »

« On n’ose rien dire, par peur de rompre la cohésion de groupe »

Ce long week-end aurait pu coûter un peu moins cher à Kevin. Arrivé un jour après tout le monde, il a envisagé de demander à ne pas payer la nuit qu’il n’a pas passée sur place. « J’aurais pu demander un prorata mais j’ai eu le sentiment que ça allait déranger les autres si je demandais à revoir un peu ma note, explique le jeune homme. Je n’ai pas osé en parler parce que je ne voulais pas mettre en péril la cohésion de groupe : on se met beaucoup de pression pour que tout soit parfait, qu’il n’y ait pas d’embrouille… Je pense que personne n’aurait osé dire quoi que ce soit sur le budget, aussi par respect pour tout le travail des organisateurs ».

Il n’est pas le seul à témoigner de cette forme de « pression à la cohésion ». De l’enterrement de vie de garçon d’un de ses amis proches, Cédric* garde un souvenir très heureux - à l’exception du dernier soir quand, en boîte de nuit, l’un des invités décide d’offrir une bouteille en l’honneur du futur marié. « Il dit à plusieurs reprises et très fort que c’était lui qui payait, sans consulter les autres. Je n’avais pas envie de boire cet alcool, encore moins de payer une bouteille très chère en boîte, mais je n’y ai pas fait attention, raconte le trentenaire. Quelle ne fut pas ma déconvenue quand le lendemain, au café, je me suis rendu compte qu’il l’avait mise dans le tricount collectif et qu’elle allait coûter une petite vingtaine d’euros par personne. Le plus agaçant dans l’histoire, c’est que c’était le plus riche des invités et que d’autres étaient un peu plus en difficulté. »

Même s’il est irrité, Cédric n’ose rien dire. « C’était le dernier jour, on avait passé un bon week-end dans l’ensemble et je ne voulais pas créer de tensions, ou mettre le futur marié mal à l’aise. J’ai remboursé ma part de la bouteille en serrant le poing. »

« 600 € pour aller faire du surf avec des gens que tu ne connais pas, c’est absurde »

Parfois, en parler ne suffit pas. Hannah* a quant à elle choisi de ne pas se rendre à l’enterrement de vie de jeune fille d’une amie de longue date, faute de moyens - et de marge de compromis avec les autres invitées. « Je connaissais très peu les autres participantes à l’EVJF. C’était une période de ma vie où les finances étaient compliquées, et la majorité des gens du groupe gagnaient trois à quatre fois mon salaire. Pour les autres, ce n’était pas envisageable de se restreindre pour une seule personne qui n’a pas les moyens. » Dans la conversation groupée, elle constate qu’entre le logement, le déplacement et un minimum d’une centaine d’euros d’activités par jour, les organisatrices prévoient un budget d’environ 600 € pour le week-end.

« Dans une période où tu calcules ce que tu mets dans ton panier de courses, 600 € pour aller faire du surf avec des gens que tu ne connais pas, c’est absurde. Pour moi, ça représentait un voyage. Mais c’est super humiliant de devoir dire à groupe messenger de 20 personnes inconnues qu’on n’a pas les moyens. C’est très isolant, surtout quand toutes les autres disent qu’elles peuvent. » Hannah a donc fini par dire qu’elle ne serait pas disponible aux dates proposées, et a gardé son budget pour faire un joli cadeau de mariage à son amie.

« On crée une cagnotte, et on fait en fonction du montant »

Simone* aussi a connu le sentiment de culpabilité d’être celle qui « n’a pas les moyens » dans le groupe. Alors, plus récemment, pour organiser l’enterrement de vie de jeune fille d’une amie de longue date, elle s’est creusé la tête. « Les budgets étaient très variés : certaines personnes gagnaient beaucoup d’argent, d’autres beaucoup moins, certaines étaient très loin, on avait peur que certaines personnes ne puissent pas venir. »

C’est là qu’une des organisatrices a suggéré la meilleure des solutions : « Une cagnotte anonyme, où chaque personne mettait ce qu’elle pouvait pour le week-end. La sœur de la mariée était très investie et avait un peu plus d’argent, elle a pu mettre un peu plus, d’autres ont mis un peu moins. À la fin, on a partagé la somme par tête et on a choisi le programme en fonction de notre budget : on a fait un karaoké, un restaurant gastronomique, un spa, un brunch le lendemain, on a même réussi à faire venir une amie de la mariée qui était super loin, en l’aidant à payer son billet d’avion. C’était un moment parfait, et sans stress ! »

Une technique à garder sous le coude, à ressortir dès réception du prochain faire-part, et à suggérer dans toutes les conversations groupées.

* Les prénoms ont été modifiés

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