« L’ÎLE ROUGE » DE ROBIN CAMPILLO CONVOQUE FANTôMETTE POUR UNE BONNE RAISON

CINÉMA - Des bébés crocodiles, une table basse en aragonite et… Fantômette. De toutes les images surréalistes que compte le dernier film de Robin Campillo L’île rouge, sorti en salles depuis ce mercredi 31 mai, celle de la célèbre héroïne masquée de littérature jeunesse est sans doute la plus marquante.

À coups de mauvais doublage assumé et de scènes de bagarres contre de bien risibles truands, Fantômette fait, ici, irruption à plusieurs reprises au gré de courtes saynètes, qui ne sont pas sans rappeler les séries enfantines à l’époque de l’ORTF.

Et pourtant, la justicière née de l’imagination de Georges Chaulet en 1961 n’a pas grand-chose à voir, à première vue, avec le thème du nouveau film du réalisateur de 120 battements par minute. Son histoire nous plonge au début des années 1970 à Madagascar, et plus précisément sur la base militaire d’Ivato où nous suivons les dernières heures de la décolonisation sous le prisme d’une famille française, composée notamment de Quim Gutierrez dans le rôle du père et de Nadia Tereszkiewicz dans celui de la mère.

Ils ont trois fils, dont un petit garçon, Thomas. Il passe le plus gros de son temps à espionner les conversations des adultes, mais surtout à dévorer les aventures de Fantômette. « C’était une de mes lectures de l’époque », confie Robin Campillo dans les notes de production. L’île rouge est une fiction, mais s’inspire de la jeunesse du cinéaste à Madagascar.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce du film :

« Ce que j’ai essayé de faire, c’est de mettre mes souvenirs en perspective non pas pour trouver une vérité historique ou autobiographique, mais plutôt pour créer un monde sensoriel, celui de Thomas », continue le réalisateur, soucieux de mettre en lumière avec délicatesse et sans nostalgie les rapports entre Malgaches et Français de l’époque.

Fantômette et le dénouement

Les épisodes avec Fantômette font écho à d’autres éléments du film, comme lorsqu’elle découvre que deux des méchants ne sont autres qu’un vendeur de télévisions et un garagiste. « Comment ces braves gens étaient-ils devenus des malfrats ? » se demande l’héroïne, comme un écho à la domination des colons français, toujours en activité à Madagascar au début des années 1970 malgré la promulgation de son indépendance en 1960.

« Ce sont des bribes de fiction qui viennent parasiter la narration principale, comme un livre qu’on est en train de lire colore le quotidien, explique Robin Campillo, toujours dans les notes de production. L’identification à cette héroïne va pousser Thomas dans une expérience solitaire au moment où il doit quitter Madagascar. »

Un soir et alors que tout le monde dort, il fait le mur habillé dans son costume de Fantômette, cousu quelques jours plus tôt par sa mère. Comme un clandestin « seul avec la nuit », il va conquérir « son autonomie », continue le cinéaste.

C’est une scène clé qui - sans trop en dire - l’emmène vers deux autres personnages, Bernard et Miangaly. Une manière, aussi, pour le réalisateur de conclure le récit de la famille française pour basculer vers un autre récit, celui des Malagasys. Tenus comme figurants jusqu’alors, ils reprennent ainsi toute leur place dans leur roman national d’émancipation.

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